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Ce que nous évitons de guérir en nous fera un jour mal à un enfant

  • Photo du rédacteur: Marc-Henri Sandoz
    Marc-Henri Sandoz
  • 21 sept.
  • 7 min de lecture


Ce que nous évitons de guérir en nous fera un jour mal à un enfant

« Mieux vaut la mort que de devenir source de chute pour un enfant », a dit Jésus. Et cette parole me poursuit : ce que nous évitons de guérir en nous, un jour, fera mal à un enfant.


Je dois l’avouer : c’est un peu étrange pour moi de commencer un article en citant la Bible. Mon chemin m’a conduit à prendre beaucoup de distance avec ma foi évangélique d’autrefois, et je garde aujourd’hui un regard critique sur la tradition chrétienne dans son ensemble. Trop souvent, l’histoire et les mouvements qui s’en réclament ont véhiculé la violence, le dogmatisme et l’oppression.


Et pourtant, Jésus reste pour moi une référence, et certaines de ses paroles gardent une force singulière. Celle qui va suivre résonne au-delà de la seule foi chrétienne, comme un avertissement universel sur la gravité de certains comportements humains :


« Jésus appela un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et dit : En vérité, je vous le dis, si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Celui qui se fera humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. […] Mais, si quelqu’un est une occasion de chute pour un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on suspendît à son cou une meule de moulin et qu’on le jetât au fond de la mer. »

(Matthieu 18:2-6)



Les « petits » : une lecture élargie


Je désire élargir la lecture de ce texte au-delà d’un premier degré qui limiterait cet avertissement au croyant fragile ou au disciple débutant. Dans ce sens, le texte s’adresse à tous les petits, tous les humbles, tous les vulnérables. Il vise toute personne qui, dans sa dépendance ou dans sa fragilité, peut voir sa confiance dans la vie entamée, abîmée, parfois détruite.


Ce passage concerne donc de manière aiguë les enfants. Jésus souligne le respect absolu qui leur est dû. Car s’il est une catégorie humaine particulièrement vulnérable, ce sont bien eux. Et le texte prend alors une résonance saisissante : il condamne toute forme de négligence, de maltraitance ou d’abus qui entrave ou hypothèque le développement d’un enfant et sa capacité à faire confiance à la vie.



La gravité de ne pas soigner ses blessures


Si je relis ce texte à la lumière de ma propre histoire, je l’entends comme une parole d’une gravité sans détour. J’ai dû prendre conscience des abus que j’avais subis et des traces qu’ils avaient laissés en moi — des zones d’ombre qui avaient déjà eu un impact sur ma vie et sur mes proches, freinant ma capacité à ouvrir mon cœur et à bien les traiter. Sans le travail que j’ai finalement entrepris, trop tardivement, je sais que ces blessures auraient pu devenir encore plus destructrices.


J’ai pris conscience — c’est d’ailleurs le sujet du dernier livre que j’ai écrit et qui est actuellement en cours de publication — de la manière dont les souffrances se transmettent à travers les lignées et les familles. Cette transmission, si elle n’est pas mise en lumière et travaillée, entretient une chaîne de blessures et de violences qui finit toujours par atteindre les plus vulnérables, et tout particulièrement les enfants.


Dans mon travail de thérapeute, je vois chaque jour deux chemins très différents :

• Celui de mes clients qui, avec courage, affrontent leurs blessures, choisissent de se regarder en face et entreprennent un processus de guérison qui peut durer toute une vie, mais qui transforme pas à pas leur relation à eux-mêmes et aux autres.

• Et celui d’autres personnes, parfois dans mon entourage, qui n’ont jamais pris au sérieux leurs failles. Des années plus tard, ces blessures enfouies se sont transformées en comportements abusifs, graves et destructeurs.


Ce constat est douloureux, mais réel : une faille psychologique négligée peut et va un jour se transformer en poison pour les autres. Même si elle a pour origine des abus subis soi-même, elle peut se retourner en abus commis.


Mais au-delà de mon expérience et de mes observations, ce que dit Jésus est plus radical encore : mieux vaut mourir que de devenir négligent, maltraitant ou abuseur, envers un enfant.



La responsabilité des parents


Le texte s’adresse bien sûr aux parents et à toute personne en position de responsabilité. C’est un appel solennel à nous occuper de nous-mêmes pour pouvoir nous occuper aussi bien que possible de nos enfants. Nous ne serons jamais parfaits : il y aura toujours des blessures et des failles, et nos enfants auront leur part de blessures à traiter, y compris celles qu’ils auront reçues de nous. Mais nous devons tout faire pour limiter cela — et ce tout faire commence par un travail sur nous-mêmes.


Et tout faire, cela veut dire : se soigner. Il n’y a pas d’autre chemin pour réellement prendre en charge notre potentiel de nuisance, enraciné dans nos propres blessures d’enfance. Il n’y a pas d’autre chemin que d’entreprendre une thérapie, d’aller au fond des choses, et de faire face à ce qui, autrement, se transmettra malgré nous.


Et se soigner, ce n’est pas seulement réduire ce potentiel de nuisance. C’est aussi acquérir, intégrer et transmettre à nos enfants des outils de résilience, d’amour et de respect. Leur montrer qu’il est possible de transformer une blessure en force, une faille en ouverture, une douleur en source de croissance.



Un avertissement à chacun


Mais cet avertissement s’adresse aussi à quiconque prend conscience en lui de blessures, de négligences ou de traumatismes subis. Tout cela est susceptible de nous rendre toxiques si nous ne le prenons pas en charge. Et, d’une manière encore plus solennelle, à l’extrême, il interpelle toute personne qui découvrirait en elle des compulsions, des tendances au sadisme, à la pédophilie, ou à tout comportement qui pourraient un jour conduire à détruire la vie et la confiance en la vie d’un enfant.


Je pense aussi, parfois, que parmi les abuseurs — et malgré le déni, l’égoïsme et l’aveuglement qui accompagnent toujours les abus — il y a peut-être de temps en temps, rarement, un père, un grand-père, un oncle, qui se rend compte qu’il a commis l’irréparable, et qui se réveille en se disant : « Il aurait mieux valu mourir que d’en arriver là. »


Je ne m’adresse pas ici à ceux pour qui il est déjà trop tard. Je m’adresse à ceux qui, aujourd’hui, commencent à entrevoir qu’il y a en eux des choses non traitées, des zones d’ombre qui demandent du soin. N’attendez pas qu’il soit trop tard. Si quelque chose en vous clignote — une honte, une pulsion, une répétition — prenez-le au sérieux maintenant : ne remettez pas à demain le travail qui peut empêcher qu’un jour, quelqu’un d’autre souffre. Puisqu’il est question de mourir, alors plutôt mourir à ses illusions, à la fausse sécurité, à la honte, au désespoir et à la peur. Plutôt mourir à la paresse ou au découragement qui nous empêchent de nous mettre en route dans un chemin de guérison.


Il ne s’agit pas de faire honte à qui que ce soit, et il est clair pour moi que de telles tendances sont enracinées dans les blessures subies, et le plus souvent dans l’enfance. Mais il faut rappeler cette nécessité absolue : quand nous constatons en nous une blessure, une faille ou une zone d’ombre — qu’elle nous paraisse grave ou pas si grave, même si nous pensons l’avoir sous contrôle — nous avons la responsabilité sacrée de la prendre au sérieux. Cela veut dire chercher de l’aide, trouver des solutions, entrer dans un travail thérapeutique, et ne pas se contenter de moins que d’une véritable prise de responsabilité de ses failles et de ses ombres. Le début du chemin, cela veut dire assumer lucidement ce qui se passe en nous, ne pas le laisser pourrir dans la honte et le secret, et s’exposer au regard de professionnels.


Car sans cela, le temps ne sera pas notre allié. Le temps ne fera que conduire à la dégradation, au renforcement de ces tendances et symptômes, et aux risques accrus que nous ferons courir à nous-mêmes et aux autres.



Un appel à la responsabilité


Je lis donc ce passage de l’Évangile comme un appel pressant :

• Reconnaître nos zones blessées et nos ombres.

• Prendre la responsabilité de les travailler, en psychothérapie, en accompagnement, en chemin spirituel.

• Ne pas céder à l’illusion que « ça passera tout seul » ou que je peux vivre avec sans conséquences pour moi et pour autrui.


Nos blessures ne concernent pas seulement notre vie intérieure. Elles engagent la sécurité, la confiance et parfois même l’intégrité de ceux qui croiseront notre route.



Transformer les failles en ressources


La bonne nouvelle, c’est que le travail intérieur peut transformer les failles en ressources. Une blessure reconnue devient une ouverture à la compassion. Une faille travaillée devient un lieu de solidité.


Et cela exige de nous un pas de responsabilité radical : oser regarder ce qui en nous est blessé — et oser prendre au sérieux que, sans traitement, cette partie blessée finira un jour inévitablement par blesser quelqu’un d’autre.



En conclusion


C’est un texte qui ne nous laisse aucune échappatoire. Il nous confronte à notre responsabilité la plus intime et la plus grave. Jésus disait cela pour faire peur. Et il avait raison : parce que cette peur doit nous réveiller. Réveiller notre responsabilité, notre urgence à prendre soin de nous-mêmes, pour ne pas devenir source de chute pour un “petit”. Il le disait pour rappeler la gravité sacrée de nos choix, et la responsabilité que nous avons de nos vies, de nos ombres et de nos blessures. Mieux vaut mourir — et déjà peut-être mourir à nos illusions — que de laisser nos blessures non travaillées se transformer en occasions de chute pour un “petit”.


Prendre soin de soi, s’engager dans une psychothérapie et dans toute démarche utile, ce n’est donc pas du luxe. C’est un acte de responsabilité, un acte d’amour pour soi — et pour tous ceux qui croiseront notre route.

 
 
 

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